Interdiction des puffs : rien n’est joué

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Jeune fille vapote une puff

On en parle depuis quelques temps, les puffs, ou e-cigarettes jetables, ne sont pas en odeur de sainteté en France. L’agitation a commencé il y a un an, en novembre 2022. C’est le 4 décembre 2023 que l’Assemblée Nationale a adopté, à l’unanimité, un texte visant à l’interdiction de vente de ces produits.

Historique

En novembre 2022, la députée EELV Francesca Pasquini avait déposé un texte visant à l’interdiction de vente des puffs. Elle déclarait alors : « Leur prix est dérisoire, les arômes fruités et sucrés sont attirants, la discrétion du dispositif les fait passer inaperçus auprès des parents« . Son co-rapporteur, Michel Lauzzana (Renaissance), avait lui aussi renchérit : « L’académie nationale de médecine qualifie les puffs de piège sournois pour les enfants et les adolescents« . Cette proposition fut soutenue par 166 députés ainsi que le gouvernement lui-même.

En septembre 2023, Elisabeth Borne, première ministre, s’est prononcée en faveur de l’interdiction des « puffs ». Aurélien Rousseau, actuel ministre de la santé déclarait : « Chez les 13-16 ans, un enfant sur 10 a déjà essayé la puff« . M. Rousseau dénonçait ainsi un : « effet passerelle vers le tabagisme » et un « fléau environnemental« . La machine était enclenchée.

Evidemment, les anti-vape se sont réjouis de cette proposition. C’est un boulet de plus dans la démolition du vapotage. Dans un tourbillon de déclarations plus ou moins hystériques, certains députés se sont engouffrés dans la brèche. Citons par exemple :

  • « Les puffs sont une bombe à retardement pour la santé de nos concitoyens » (Paul Christophe – Horizons)
  • « Il faut impérativement qu’on réagisse » (Stéphane Viry – LR)
  • « Ce ne sont pas simplement des statistiques, ce sont des prénoms, des vies, des familles brisées et endeuillées » (Karl Olive – Renaissance). [NDLR – Appel à l’émotion qui frise l’indécence]
  • « Nous appelons les responsables politiques à montrer l’exemple » (Rachel Keke – LFI)

On le voit, pour certains députés, la puff est le diable incarné, pire que le COVID ou une guerre nucléaire. On nage parfois en plein délire avec des diatribes dont la réthorique sent quelque peu le moisi. Petit détail qui ne vous aura pas échappé, la phrase de Rachel Keke s’adressait à Elisabeth Borne. En effet, cette dernière ayant pris l’habitude de vaper dans l’hémicycle, elle est régulièrement l’objet de remarques hostiles. Les raisons profondes sont sans doute à chercher ailleurs que dans les petits nuages à peine visibles de la première ministre. Mais c’est un autre sujet.

C’est gagné !

Et donc voilà ! La loi d’interdiction des puffs en France a donc été adoptée par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2023, à l’unanimité. Cette loi interdit la fabrication, la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit des cigarettes électroniques jetables, également appelées « puffs ». Le calendrier prévoit une entrée en vigueur à la rentrée 2024.

Hourra ! On a gagné. Nous allons enfin protéger nos chères têtes blondes du plus grand danger les guettant depuis la grande peste noire du 14ème siècle.

Enfin … non. Cette loi n’est pas encore adoptée en fait.

Et non, c’est pas encore gagné !

Maintenant, la loi doit également passer par la deuxième chambre. Le Sénat devra se prononcer au cours du premier semestre 2024, mais gageons que cela sera une formalité. Il faut se souvenir que le Sénat avait déjà émis quelques réserves en octobre 2022.

Mais au-delà du phénomène franco-français, il y a un petit détail que nous avons oublié. Et oui, nous avons, au-dessus de nos têtes, une entité supra-nationale qui doit aussi donner son avis. La validité de cette loi va maintenant devoir passer dans les mains de la Commission Européenne. Rhaaaaa, mais c’est dingue ! On ne peut plus rien décider par nous-même. Et non ma pauv’ dame, nous avons délégué une partie de notre souveraineté à Bruxelles.

Le gouvernement va donc devoir notifier sa loi à la Commission Européenne afin d’évaluer la conformité de la proposition vis à vis du droit communautaire. Une fois la notification reçue, la Commission Européenne dispose de six mois pour se prononcer.

Vincent Couronne, spécialiste du droit européen et directeur du collectif Les Surligneurs, estime en effet que ce n’est pas encore gagné : « Il existe une directive de 2014 sur les produits du tabac dans l’Union européenne, et celle-ci ne permet aux Etats de prendre des mesures exceptionnelles que dans certains cas particuliers« . La directive 2014/40/UE, dans son article 54, stipule que : « afin de tenir compte des possibles évolutions futures du marché » les États membres peuvent interdire une catégorie de produits du tabac en raison d’une situation spécifique à leur pays. Et ce, à condition que cette interdiction soit justifiée par « la nécessité de protéger la santé publique, compte tenu du niveau élevé de protection qu’assure la présente directive« .

Qui l’eût cru venant de la Commission ? Elle qui est ouvertement hostile au vapotage depuis longtemps, sous couvert des dérives hygiénistes de l’OMS.

Conclusion

On le voit, rien n’est joué même si l’interdiction des puffs semble être « En Marche »©. Nous en avions déjà parlé ici-même, la puff est un désastre en termes de pollution et de consommation de ressources. Pour autant, la précipitation à la faire disparaître du paysage pourrait être sujet à un débat plus constructif et moins idéologique. Le ministre de la santé, par son discutable PNLT, régurgite, comme cité plus haut, le fameux effet passerelle maintes fois démonté par la science. Cette question mérite d’être débattue sérieusement et écarter tout ce qui relève de l’opinion et de la perception erronée.

Force est de constater que notre parlement a parfois tendance à laisser parler l’émotion plutôt que la raison. Ce qui, vu l’époque actuelle, n’est pas étonnant. Mais tout de même. Ne sommes nous pas censés disposer de « sages » dans les hémicycles ? Honnêtement, le doute m’habite.

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