UE : projet de taxe d’accise sur la vape

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Le Financial Times a eu accès à des documents confidentiels en provenance la Commission Européenne. Ces documents concernent un projet de relèvement des taxes sur le tabac, et, pour la première fois, une taxe d’accise sur les produits de la vape ; tout cela dans le cadre de la future TPD V3. Cela fait déjà un moment que l’on s’attend à ce que la vape subisse une taxe qui lui serait propre, en dehors de la simple TVA, comme c’est le cas actuellement. Comme le dit le dicton, il n’y a pas de fumée sans feu.

Ces taxes sont prévues dans la continuité du plan de réduction du tabagisme à l’échelon de l’Union. Bien évidemment, toute autre interprétation de ce projet serait du complotisme pur jus…

D’abord, on parle gros sous

Le tabac fumé

Le premier sujet concerne les états membres dans lesquels les taxes d’accise sont jugées trop faibles. La Commission Européenne propose donc de les doubler. Au final, l’harmonisation des droits d’accise devrait atteindre, pour tous les états membres, un minimum de 1,80€ par paquet, pouvant aller jusqu’à 3,60€. En effet, dans certains pays, les plus à l’est de l’union, on peut encore trouver des paquets de cigarettes à moins de 3€

Ainsi, le Luxembourg et l’Autriche, bien connus pour offrir une fiscalité plus qu’avantageuse par rapport aux revenus, se verraient lourdement taxés par rapport à aujourd’hui. Rien que sur les cigarettes, l’UE espère engranger quelques 9,3 milliards d’euros … mais c’est pour la bonne cause.

Une étude d’impact, ayant fait l’objet d’une fuite, l’augmentation du droit d’accise minimal aurait : « un impact important sur les consommateurs et les opérateurs économiques » dans les états de l’UE où le prix des cigarettes est bas ; notamment en Bulgarie, Slovaquie, Pologne et Hongrie. L’évaluation note également que les nouveaux produit du tabac « sont particulièrement attrayants pour les jeunes, qui risquent de développer une dépendance ». La nouvelle accise contribuerait donc aux efforts de santé publique visant à réduire le tabagisme.

…et puis tout le reste

Comme cela ne suffisait pas, les autres produits du tabac sont donc concernés. A savoir, le tabac chauffé, le SNUS, les pouches* et surtout, notre chère vape. Et oui, la vape fait partie des produits du tabac puisqu’elle est soumise à la TPD.

Mais que viennent faire la vape, le SNUS ou les pouches dans ce cadre ? A propos du SNUS, la Suède a fait part de sa très vive opposition, pour ne pas dire indignation, en apprenant l’arrivée du projet de loi. La Commission Européenne a aussitôt réagi en disant que le SNUS était une exception en Suède et qu’il n’y avait pas de surtaxe prévue sur un produit, par ailleurs, interdit dans toute l’UE. C’est déjà ça de gagné. Pour la vape, une taxe d’accise progressive serait appliquée sur les e-liquides selon les taux de nicotine. De 20% pour les moins forts, on passe à 40% pour les plus dosés. C’est tout sauf négligeable.

S’agissant du tabac chauffé, même si nous ne sommes pas concernés, sachez cependant que la taxe serait de +55%.

*Les pouches sont des sachets remplis de fibres végétale imbibée de nicotine et aromatisée.

Premier changement depuis 2011

Les textes concernant les taxes d’accise sur le produits du tabac datent de 2011. Pour Bruxelles, il était plus que temps de revoir cela afin d’harmoniser la fiscalité, d’une part pour le tabac mais aussi avec les autres produits comme la vape et le tabac chauffé. Et oui, quel manque à gagner pour les caisses ! Rendez vous compte. Ah non, pardon. C’est pour la bonne cause en fait.

Ce projet de loi vise, selon les instigateurs, à atteindre l’objectif d’une génération sans tabac d’ici à 2040. Dans le cadre du plan européen de lutte contre le cancer (BECA), les autorités de santé publique veulent faire passer la consommation de tabac, parmi les citoyens de l’UE, du niveau actuel d’environ 25 % à 20 % en 2025, puis à moins de 5 % en 2040.

Le point de vue politique

Beaucoup de décideurs politiques, à travers le monde, voient d’un mauvais œil le fait que les nouveaux produits du tabac soient populaires auprès des jeunes. Est-il encore besoin de rappeler que la vape n’est pas un produit du tabac … parce qu’elle n’en contient tout simplement pas. Mais bon, les amalgames ont la vie dure, renforcés en cela (voire générés) par les élucubrations de l’OMS.

Rob Branston, maître de conférences en économie d’entreprise et membre du groupe de recherche sur la lutte antitabac de l’université de Bath, a déclaré que la mise à jour du régime fiscal était « attendue depuis longtemps » pour augmenter les prix dans les pays où les cigarettes sont « trop bon marché » et pour rattraper l’inflation. Il a déclaré : « Cela permettra de sauver des vies. Les augmentations de prix induites par les taxes sont l’un des outils les plus efficaces pour réduire le tabagisme. Les augmentations significatives des taux d’imposition minimums sont donc cruciales pour atteindre les réductions souhaitées en matière de cancer et d’autres maladies. »

Peter van der Mark, secrétaire général de l’Association européenne du tabac à fumer, met en garde contre le fait que « si vous avez une augmentation soudaine et très forte, vous pouvez créer un marché pour le commerce illicite ».

C’est bien connu, le prix du tabac fait chuter sa consommation. Ah ben non. Tous les chiffres démontrent le contraire en favorisant surtout le trafic et la contrebande. Mais ce n’est pas ce qui nous préoccupe en l’espèce.

Dustin Dahlmann, président de l’Independent European Vape Alliance, a ajouté que l’imposition des nouveaux produits du tabac pourrait conduire à ce que « les alternatives beaucoup moins nocives » au tabac fumé soient « taxées beaucoup trop lourdement dans de nombreux pays ».

Ah, ces jeunes !

Argument massue de tous les discours politiques concernant la vape (et les autres produits sans fumée) : il faut empêcher les mineurs d’expérimenter aussi les produits à moindre risques. Bien évidemment, si l’on pouvait éviter que les plus jeunes se mettent au vapotage, ce serait préférable. Et pour cela, il suffit d’appliquer simplement la loi. Rien de plus. La vape est interdite, e-liquides et matériels, au moins de 18 ans. C’est clair, simple et précis. Idem pour le tabac fumé. La future directive prévoit-elle un renforcement des contrôles en ce sens ? Apparemment non. Et une question persiste : comment se fait-il que les mineurs puissent encore et aussi facilement acheter des cigarettes ? Encore une fois, il suffit d’appliquer la loi. A ce sujet, je pense que les boutiques de vape sont, dans l’ensemble, bien plus scrupuleuses que les débitants de tabac sur ce point.

Les autorités de santé veulent donc éviter l’expérimentation chez les jeunes et le risque de tomber dans l’addiction. Soit. C’est tout à fait louable. Mais la transgression et l’expérimentation fait partie du package de l’adolescence. Dès lors, ne vaut-il pas mieux expérimenter quelque chose de beaucoup moins nocif ? La question est épineuse mais elle mérite d’être posée. N’oublions pas qu’il existe des e-liquides sans nicotine.

Vous l’aurez compris, c’est tout sauf simple.

Et la réduction des risques ?

La notion de réduction du risque est centrale dans les stratégies de lutte contre le tabagisme. Elle propose une approche moins coercitive que les interdictions pures et dures et la répression. C’est le cas dans toutes les luttes contre les drogues et toxicomanies. On le sait, le sevrage brutal dans le cadre d’une addiction est extrêmement difficile. L’approche de la médecine, de nos jours, est de réduire le risque tout en s’éloignant progressivement de l’addiction de base.

La vape est une réduction (très) importante du risque. Elle est aujourd’hui le meilleur moyen d’arrêter de fumer. Le SNUS ou les pouches le sont aussi. Même le tabac chauffé est une réduction du risque. Beaucoup moins que la vape, mais c’en est une tout de même.

Les risques d’une taxe sur la vape

Alors, la question reste et demeure : pourquoi appliquer une taxe d’accise sur des produits à moindre risque comme la vape ? Santé publique ou compensation du manque à gagner sur le tabac ? Sans verser dans le conspirationnisme primaire, on est en droit de se poser des questions tant le sujet prête à caution. On peut se poser la question de la réalité sous-jacente de ce projet de taxes sur les produits à moindre risques. Fiscalité ou protection de la santé publique ? Je vous laisse juge.

Admettons que cette taxe d’accise sur la vape réussisse à faire chuter la consommation chez les jeunes. Mais qu’en est-il des fumeurs qui ont réussi leur sevrage grâce à elle ? Sans parler des possibles candidats. Quoi qu’on en dise, le prix est aussi un facteur très important dans l’adoption du vapotage.

Au final, des telles taxes auront des conséquences dramatiques sur l’adoption du vapotage par les fumeurs.

Quoiqu’il en soit, cette proposition devra être approuvée par tous les états membres de l’UE avant inscription dans la loi.

Sources :

Brussels to propose rise in cigarette taxes and first EU-wide vaping levy

The Future of Tobacco Taxation in Europe

Commission to Propose EU-Wide Vaping Levy

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