La HAS actualise ses recommandations pour la lutte contre le tabac.

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HAS - Recommandations Tabac 2023

La HAS (Haute Autorité de Santé) vient de publier son recueil de recommandations (en pdf) en matière de lutte contre le tabac. Celui-ci n’avait pas été actualisé depuis 2014 et vise à aider les professionnels de santé dans leurs protocoles de sevrage tabagique. On s’attendait à ce que cette mise à jour prenne en compte les nouvelles données, notamment pour la vape. Que nenni ! Bien au contraire. Pourtant, en 2014, la HAS recommandait aux médecins de ne pas décourager les fumeurs à basculer sur le vapotage.

PNLT en vue

On le sait, le PNLT (Programme National de Lutte contre le Tabac) est en cours de mise à jour lui aussi. Il devrait être dévoilé incessamment. La DGS (Direction Générale de la Santé) est sur le pied de guerre et la vape n’a plus du tout la cote dans ce programme. Ce programme est très influencé par la CCLAT de l’OMS dont on connaît l’hostilité vis à vis du vapotage. Hélas, la France a ratifié, comme bon nombre de pays, cette convention cadre et se doit d’être raccord avec elle.

Une efficacité toujours contestée

La HAS estime qu’il n’y a toujours pas assez de preuves de l’efficacité de la vape par rapport aux traitements validés. Ceci va pourtant en contradiction avec les conclusions du très respecté Institut Cochrane. La HAS précise également que la vape est un produit de consommation courante, ce qui est vrai. Dès lors, il ne peut y avoir, effectivement, d’essais cliniques comme pour un médicament. Pour autant, ce sont pas les études qui manquent, prouvant l’efficacité du vapotage comme méthode de sevrage.

Les recommandations de la HAS sont de dire que seuls les TSN (Thérapie de Substitution Nicotinique) sont validés par les autorités de santé et ont prouvé leur efficacité par des essais cliniques. Sans vouloir dénigrer les traitements pharmaceutiques, il est toutefois utile de préciser que le taux de rechute avec ces produits est de 84%. Et ce, au bout de quelques semaines. Jean-Paul Tassin, directeur de recherche émérite à l’INSERM l’avait démontré, dans une étude, en 2009. J.P Tassin précisait que la nicotine seule ne peut expliquer la dépendance au tabac. D’autres facteurs entrent en ligne de compte et c’est justement là ou la vape permet d’apporter de qui manque à la simple délivrance de nicotine ; notamment sur les aspects comportementaux (gestuelle, visuel, rituels, hit).

La toxicité de la vape

Les recommandations de la HAS pointent le fait que la vape produit des substances toxiques, ce qui n’est pas le cas des TSN. Alors … Oui, c’est vrai. Mais comme toujours, il est facile d’effrayer le candidat à la défume en occultant la réalité des faits. Personne n’a jamais affirmé que la vape ne produisait aucun produit toxique. Mais attention. Quelles en sont les proportions ? Plusieurs études1,2 ont déjà démontré que la vape émettait environ 99% de molécules cancérigènes en moins par rapport au tabac combustible. Tout est question de proportion. L’air d’un foyer normal français est déjà plus pollué que l’aérosol inhalé en vapotant. On ne parlera donc pas de celui d’une ville française moyenne soumise aux gaz d’échappement et autres rejets industriels. C’est sans commune mesure. Encore une fois, Paracelse le disait déjà au 16e siècle : « Tout est poison, rien n’est poison. Seule la dose fait le poison ».

Cet argument, maintes fois ressassé ne tient plus depuis un moment déjà. Nous ne le répèterons jamais assez, le danger du tabac fumé, c’est la combustion. Or, la vape ne brûle rien. Le rapport bénéfice/risque est sans appel.

La nicotine, c’est le diable

Dans ses recommandations, la HAS insiste sur le fait que « la vape n’est pas dénuée de risque, particulièrement avec de la nicotine, substance addictive« .

Encore une fois, la vape n’est pas dénuée de risques. Mais se lever le matin non plus. Il peut tout arriver dans une journée et même pendant le sommeil. On l’a compris, le risque relatif est infiniment moindre. C’est un fait aujourd’hui bien admis.

Quant à l’addictivité de la nicotine, là aussi, il conviendrait d’être un peu plus nuancé. La nicotine n’est pas une addiction. Peut-être une dépendance, mais si elle était la seule et unique source de l’addiction à la satané clope, tout le monde aurait dû arrêter de fumer il y a 40 ans, avec la commercialisation des premiers patchs. Or, ce n’est manifestement pas le cas. Pourquoi ne pas tenir compte de ce fait ?

Si on peut se passer de nicotine, c’est tant mieux. C’est toujours une dépendance de moins. Mais cela fait des décennies que l’addiction à la cigarette a été associée à la seule nicotine. On s’aperçoit qu’en fait, c’est bien plus compliqué que cela.

Et puis, ne peut-on pas noter que la HAS dit bien que l’arrêt du tabac passe en première instance par les substituts pharmaceutiques. Ces substituts contiennent bien de la nicotine il me semble. Qui peut affirmer aujourd’hui être en danger (et addict) à son patch ou son spray ? Donc, non, la vape n’est pas plus dangereuse avec nicotine que sans.

Ne pas vapoter durant la grossesse

Là encore, nous sommes sur un argument dangereux. En effet, il subsiste encore des médecins qui conseillent à leurs patientes de fumer quelques clopes plutôt que de vapoter. Ce qui, vous l’avouerez, est assez hallucinant. Une étude publiée dans l’AJOG3 (American Journal of Obstétriciens and Gynecology) en janvier 2019 concluait : « L’utilisation de cigarettes électroniques pendant la grossesse n’est pas associée à un faible poids de naissance ou à un accouchement prématuré. Les résultats maternels et néonataux semblent similaires à ceux des non-fumeurs ».

Une étude parue dans le BJOG (British Journal of Obstetric ans Ginecology) arrivait à la même conclusion4.

Plus près de chez nous, le Dr Cyril Huissoud, secrétaire général du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français, déclarait dans le Journal Des Femmes en 2021 : « on préfère qu’une patiente vapote plutôt qu’elle ne fume, cela ne fait aucun débat ».

Tant qu’à faire, si on peut cesser de vapoter durant la grossesse, c’est très bien. Proposer des TSN en première intention est tout à fait normal. Mais dans le cas où cela est trop pénible, ce qui peut aussi avoir des effets néfastes sur le bébé, il vaut mieux vapoter que fumer.

La vape chez les mineurs

Sur ce sujet, la HAS reprend le narratif du HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique). En ligne de mire, la « Puff » est largement visée. Cependant, nous pouvons tout de même aussi nuancer le propos sur ce sujet.

C’est indéniable, des fabricants peu scrupuleux ont clairement ciblé les jeunes avec leurs produits de vape jetable. De ce fait, beaucoup de mineurs se sont procuré les produits dans des points de vente, par ailleurs, peu scrupuleux eux aussi. Arômes sucrés et fruités, frais ou pas, packaging djeun’s, tout est bon pour attirer l’œil juvénile. Dans le lot, il y avait des « Puffs » non-nicotinées mais aussi avec nicotine. Allant jusqu’au 20 mg/ml en sels de nicotine. A ce niveau, il fallait faire quelque chose.

Cela dit, il y a tout de même un point évident sur lequel appuyer. La loi prévoit l’interdiction de vente aux mineurs de tous les produits de la vape. Voilà. C’est simple. En charge aux autorité de la faire tout simplement appliquer. C’est exactement comme cela que le gouvernement anglais a appréhendé le problème sans verser dans le bannissement systématique et aveugle.

Au-delà de ça, il y a un autre point que semble ignorer la HAS. En effet, en tant que vapoteurs, nous avons quasiment tous été fumeurs. Et, il faut bien l’avouer, nous avons commencé en étant mineurs pour la plupart d’entre nous. Dès lors, qu’est-ce qui est préférable ? Commencer le tabac avec la quasi certitude de tomber dans l’addiction ou bien commencer par de la vape avec une chance infime de basculer vers le tabac fumé ? Oui, oui. Malgré les poncifs habituels, ce que l’on appelle l’effet passerelle est un argument trop souvent avancé par les anti-vape et plusieurs fois débunké par la science5 ; c’est une conséquence marginale. Expérimenter la vape en premier a même l’effet inverse : le tabagisme baisse globalement chez les 17/18,5 ans6.

Conclusion

Les recommandations de la HAS reste bien trop prudente, sans être totalement hostile, avec la vape. Si on compare les conclusions avec celles de son « homologue » anglais (PHE), la HAS ne veut toujours pas tirer partie du potentiel de la vape dans la réduction des risques tabagiques. De la même façon, le discours de la HAS, pris au premier degré, est assez anxiogène pour rebuter plus d’un médecin. Notamment en obstétrique. Force est de constater que les conclusions 2023 sont encore moins encourageantes que celles de 2014. Le discours de la HAS reflète celui, habituel, de l’OMS dont nous connaissons les graves failles7,8, ainsi que celui du CNCT (Comité National Contre le Tabagisme) et d’ACT (Alliance Contre le Tabac).

On peut également observer que ces recommandations de la HAS collent parfaitement avec celles du HCSP, parues début 2022, ainsi que le plan cancer européen (BeCA). Tout cela est bien cohérent et la vape n’est pas en odeur de sainteté dans ce plan général en Europe.

Alors, soyons honnête, la HAS ne dit pas qu’il faut supprimer la vape complètement. Mais force est de constater que les recommandations ne conseillent le vapotage qu’en dernière intention, quand rien n’a marché. Comme un pis-aller. De plus, les potentielles craintes vis à vis des mineurs sont très surestimées.

Tout cela manque singulièrement de recul et de pragmatisme. Car, au final, les mesures qui seraient prise contre l’usage du vapotage dans le cadre du sevrage tabagique pourraient s’avérer totalement contre-productives.

  1. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304389420314060
  2. https://www.nature.com/articles/s41598-023-34427-x#rightslink
  3. https://www.ajog.org/article/S0002-9378(18)31229-8/fulltext
  4. https://obgyn.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1471-0528.16110
  5. http://www.tobaccopreventioncessation.com/The-use-of-e-cigarettes-in-adolescents-public-health-consequences,71164,0,2.html
  6. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/add.15330
  7. https://clivebates.com/letter-who-must-urgently-reassess-its-tobacco-nicotine-policy-and-stop-causing-harm/
  8. https://vimeo.com/649001613

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