Le 17 décembre dernier, on apprenait que 27 députés avaient déposé une proposition de modification de la loi santé concernant les produits du vapotage. De quoi s’agit-il au juste ?
Pour une règlementation adaptée
La proposition n° 2515 a donc été déposée au président de l’Assemblée Nationale le 17 décembre 2019. Manifestement, les 27 députés sus-cités souhaitent revoir la réglementation en vigueur afin de donner un cadre plus adapté concernant le vapotage. Le préambule semble clair :
Sans tabac, ni combustion, le vapotage produit 95 % d’émissions nocives en moins que le tabac traditionnel. Il a déjà aidé près de deux millions de Français à réduire leur consommation de tabac et a même permis à 41 % d’entre eux d’arrêter de fumer […] Il importe ainsi de créer un cadre juridique et réglementaire pertinent pour le vapotage. D’une part pour protéger les consommateurs. D’autre part pour compléter la lutte contre le tabac, qui nécessite d’être prise en compte dans sa globalité […]
http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion2515.asp
Les députés semblent avoir compris (enfin) le potentiel de la vape dans la réduction des risques du tabac fumé. Ils souhaitent apporter un cadre juridique clair visant à permettre un développement responsable de la vape en France, à l’instar de certains de nos voisins (UK au hasard).
Tout cela nous paraît plutôt pas mal, mais …
De quoi s’agit-il ?
Le texte s’appelle proposition de loi, mais en fait, il s’agit plutôt de modifications des textes existants. Dans le préambule, il y a quelque chose qui a attiré notre attention.
Les députés estiment notamment que la sécurité des e-liquides à vapoter n’est pas homogène. Ce que cette proposition allègue, en gros, c’est que les liquides non-nicotinés ne sont pas soumis aux mêmes règles que les e-liquides nicotinés.
Dans le chapitre suivant, il est évoqué le manque de visibilité et d’informations aux consommateurs vapoteur. Il est clair que les évènements américains de l’été sont à l’origine de cette proposition.
Le texte intégral, c’est ici.
Les propositions
Premièrement, le titre des chapitres de la loi santé ne s’appelle plus : « Dispositions générales », mais « Dispositions Communes ».
Ensuite, c’est une réorganisation des articles. Jusque là, rien de notable.
Là où ça devient intéressant, c’est que le terme « contenant de la nicotine » est totalement supprimé de tous les articles.
Il faut savoir que les liquides non nicotinés ne sont pas soumis aux mêmes réglementations que ceux qui le sont. Notamment du point de vue des déclarations à l’ANSES*. Rappelons juste les règles en vigueur concernant les e-liquides :
- Obligation de déclarer sur une plateforme européenne la composition de tous les produits contenant de la nicotine
- Obligation d’informer les consommateurs des potentiels risques liés à la consommation et à l’utilisation de produits nicotinés
- Limitation du volume des flacons contenant de la nicotine à 10ml
- Obligation d’attendre 6 mois entre la déclaration d’un produit et sa commercialisation
- Interdiction de faire de la publicité
On le voit dans ce texte, la règlementation s’applique aux produits nicotinés. Donc, si le produit ne contient pas de nicotine, il n’est pas soumis aux mêmes règles. Pour autant, quand le liquidier Toto fabrique le liquide Tutu, il paraît évident que le produit sera identique, qu’il soit nicotiné ou non. Mais ça n’est pas explicite dans la loi.
*ANSES = Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
Je vous ai préparé un document montrant les changements que cette proposition de loi apporte aux articles L3513. C’est ici.
Conséquences
Beaucoup de liquidiers s’inquiètent de cette modification du texte de loi. Notamment concernant les flaconnages dépassant 10ml. Rappelons également que la loi interdit l’ajout de nicotine dans les contenants de plus de 10ml.
La question qui se pose, même si rien n’est inscrit dans cette proposition de loi, c’est de savoir si cela finira par une interdiction pure et dure des flacons 30ml, Chubby (50ml) ou plus.
Est-ce encore un lobbying de la part de l’industrie pharmaceutique et/ou du tabac ? On le voit, l’industrie du tabac, très très … pragmatique, a vu son chiffre d’affaire drastiquement diminuer depuis quelques années en occident. Elle tentent maintenant de s’immiscer sérieusement dans le milieu de la vape. Certains, comme PMI, estiment que le tabac fumé aura disparu d’ici à 2030. Leur portail du géant du tabac est d’ailleurs explicite ; il ne parle plus que d’un monde sans fumée. Un comble quand on sait combien de millions de morts cette industrie a produit. Et le pire, c’est que ces industries prétendent être les mieux placées pour parler de stratégie de défume. Bien sûr, sans le brailler sur tous les toits, ils expliquent aussi qu’ils en ont les moyens et les structures.
Conclusion
D’une façon générale, l’industrie du tabac veut à tout prix reprendre le marché de la vape avec des produits bien à eux, fermés et à la clientèle captive. Ils ne font que des pods à cartouches scellées d’ailleurs. Malheureusement, les évènements de l’été aux USA leur a donné un sacré grain à moudre. On le sait, il y a du lobbying tous azimuts dans les assemblées, qu’elles soient françaises ou européennes. On pourrait même parler, sans exagération, de trafic d’influence. Cette proposition de loi serait-elle donc un nième coup de Big Tobacco pour réguler le marché en leur faveur ?
N’hésitez pas à laisser un commentaire pour nous donner votre avis. Restez juste courtois et constructifs SVP. Merci.