Lutte anti-tabac : le principe du Tobacco Harm Reduction

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Affiche de lutte anti-tabac, association pour le droit des non-fumeurs, Toronto
Affiche de lutte anti-tabac, association pour le droit des non-fumeurs, Toronto
La lutte anti-tabac de Toronto choisit le principe de Harm Reduction
Le tabagisme est un problème souvent abordé à l’échelle de l’individu : comment sevrer un fumeur ? Quel traitement sera le plus efficace chez tel patient ? S’est-il arrêté de fumer ou non ? Néanmoins, il est également possible d’aborder d’aborder le problème de la lutte anti-tabac de façon plus globale, en se demandant quels types de réponses la société dans laquelle nous vivons peut apporter.
En France, à l’heure actuelle, les autorités ne proposent qu’une réponse manichéenne aux problèmes :  » dépendance ou abstinence « , ou encore  » arrête ou meurs  » ! En effet, le discours s’oriente, de façon dogmatique, autour de la dépendance à la nicotine. C’est elle qui est sensée être le centre de tous les maux, c’est elle qui est mauvaise, c’est elle que l’on doit éliminer à tout prix ! Or, si c’est la nicotine qui rend dépendant, ce sont pourtant les fumées des cigarettes, et les 7000 composés cancérigènes qu’elles contiennent, qui tuent un fumeur sur deux. Pourquoi alors se concentrer sur l’arrêt de la nicotine et non sur  » l’arrêt des fumées  » ? N’existe-t-il pas d’autres alternatives ?

 

Je voudrais vous parler aujourd’hui du principe de réduction des risques liés au tabagisme, dont la dénomination internationale est le principe de  » Tobacco Harm Reduction « , en me fondant sur une étude du professeur Brad Rodu et sur le site de son association  » TobaccoHarmReduction.org « . Que sont ces politiques de réduction des risques ? Quels sont leurs résultats en termee de lutte anti-tabac ? Pourquoi sont-elles si peu mises en avant ?

 

Les politiques de réduction des risques

Une seule alternative est aujourd’hui proposée aux fumeurs : fumer, grâce à la vente légale de cigarette, ou arrêter complètement cigarette et nicotine, avec éventuellement aide médicale et traitement de substitution nicotinique. Avec ces ingrédients, nous obtenons 73000 morts liés au tabac en 2012, et une vente des cigarettes à nouveau en hausse depuis 2010. Pourquoi ces mesures peu efficaces persistent-elles alors ? Tentons d’oublier les explications à base de conflits d’intérêts. Avant toute chose, ces mesures ont été prises en réponse à de nombreuses campagnes de désinformations de l’industrie du tabac. Celle-ci a plusieurs fois essayé de minimiser la toxicité de ses produits et a ainsi brisé définitivement une confiance qui a pu exister auparavant. La méfiance installée, la seule solution sanitaire qui pouvait apparaitre dégagée des intérêts des cigarettiers était l’arrêt pur et simple de la cigarette.

Il peut être intéressant aujourd’hui de se pencher, à la lumière des nouveaux moyens de consommation de nicotine, sur ces politiques de santé publique et leurs possibilités d’évolution. Dans de nombreux pays, la Suède en tête, une nouvelle approche s’est développée : la réduction des risques liés au tabac, ou Tobacco Harm Reduction policy. Il s’agit de changer d’objectif : on ne cherche plus à rendre les fumeurs abstinents, mais simplement à leur donner les moyens d’arrêter de mourir. Ainsi, si ce sont les fumées des cigarettes qui sont mortelles, et pas la nicotine, c’est alors contre ces fumées que le combat doit se mener. L’adoption de ce genre de politique permet alors d’autoriser, et même de promouvoir, toute forme de consommation de nicotine dont le risque médical est plus faible que celui d’une cigarette traditionnelle.

 

Résultats sur l’utilisation du Tabac Non Fumé

Dans son article, le professeur Rodu passe en revue les études réalisées sur les effets du Tabac Non Fumé, principalement le SNUS,pour évaluer leur efficacité. Tout d’abord, il constate des bénéfices médicaux importants chez les utilisateurs de SNUS, dont notamment une forte diminution des cancers et des infarctus du myocarde par rapport aux fumeurs. Néanmoins, sans être catégorique, le chercheur rapporte qu’un léger risque de crise cardiaque ne peut pas être exclu. Il ajoute de plus que pour les femmes enceintes, même si l’utilisation de ce tabac non-fumé n’est pas officiellement conseillée, elle présente beaucoup moins de risque pour le foetus que les cigarettes traditionnelles.

L’article se place ensuite du côté épidémiologique et cherche à savoir si ce tabac non fumé est un bon substitut à la cigarette. Si nous regardons les taux d’apparition de cancer du poumon chez les hommes en Europe (voir figure ci-dessous), nous pouvons voir que la Suède est le meilleur élève du continent. Or, il s’agit du pays natif du SNUS et seul membre de l’UE à en avoir gardé le droit de distribution. Pour ce pays en particulier, l’auteur indique que, pour les fumeurs utilisant un traitement de substitution nicotinique, les taux d’arrêts sont maximaux pour le SNUS, deux fois plus faibles pour les gommes et quatres fois plus faibles pour les patchs. Cerise sur le gâteau, cette efficacité se fait pour une répercussion sur la santé négligeable :  » faible différence dans l’espréance de vie entre les fumeurs ayant arrêté toutes formes de tabac et les fumeurs passés aux SNUS (différence de 0.1-0.3 ans pour les hommes et 0.1-0.4 ans pour les femmes). « 

 

Etude GLOBOCAN 2008
Lutte anti-tabac : taux d’incidence du cancer du poumon chez les hommes européens. Chiffres de l’étude GLOBOCAN 2008, disponibles sur le site de l’IARC.

 

De réelles alternatives plutôt que la culpabilisation

En proposant d’autres alternatives à la cigarette, la Suède a permis une diminution drastique de son taux de mortalité lié aux tabacs. La recette est simple : changer de paradigme, arrêter la culpabilisation des fumeurs non-abstinents et s’attaquer aux fumées de cigarette plutôt qu’à la dépendance à la nicotine. A titre d’exemple, il est intéressant de réaliser que les 73000 morts liés au tabagisme en 2012 n’aurait été que 34400 si la France avait les mêmes résultats que les hommes suédois. Pourquoi, alors, les autorités de santé ne se penchent-elles pas sur ces options ? Nous ne retiendrons pas ici les arguments de lenteurs administratives ou de corruption des experts qui surgissent trop souvent dans la discussion et ne font pas avancer le débat. Tournons-nous plutôt vers des explications plus humaines.

En premier lieu, une grande partie de la communauté de lutte contre le tabagisme reste encore refroidie par l’apparition des cigarettes lights : présentées comme très peu nocives par l’industrie du tabac, elles se sont finalement révélées aussi nocives, voire plus que les normales. Depuis, et on peut le comprendre, les législateurs et experts restent très frileux lorsque se présente un remède « miracle » comme la cigarette électronique. Le travail de la communauté de vapoteurs est toutefois efficace, et les avis des experts semblent évoluer petit à petit. Il faudra encore un peu de temps, des études scientifiques et une voix forte de la communauté des vapoteurs pour faire accepter les bienfaits de la cigarette électronique.

Reste alors un problème, de fond cette fois, que la société doit trancher. Dans une émission radio récente, le professeur Dautzenberg  a expliqué que pour un milliard de fumeurs dans le monde, la promotion d’une alternative type  » cigarette électronique »  1000 fois moins nocives laisserait cependant un million de morts dans la balance. Du point de vue du thérapeute, ce million de morts n’est pas acceptable. Or, pour obtenir un hypothétique risque nul, la seule possibilité est l’abstinence. Cependant, grâce à la grande popularité des dispositifs comme les cigarettes électroniques, ne peut-on pas considérer que 999 millions de vies sauvées seraient déjà une avancée déterminante pour la santé publique ?

 

Bibliographie :

  1. Brad Rodu, “The scientific foundation for tobacco harm reduction, 2006-2011”, Harm Reduction Journal 2011, 8:19
    http://www.harmreductionjournal.com/content/8/1/19
  2. Association TobaccoHarmReduction.org, tenue par les chercheurs Carl V. Phillips et Brad Rodu
  3. Etude GLOBOCAN de l’Agence International pour la Recherche sur le Cancer,
    http://globocan.iarc.fr/
  4. Les substituts nicotiniques, Emission « Le téléphone sonne » sur France Inter,
    http://www.franceinter.fr/emission-le-telephone-sonne-les-substituts-nicotiniques

 

1 COMMENTAIRE

  1. Les cigarettes électroniques sont moins dévastatrices que les cigarettes traditionnelles,en réalité,il nous est d’une grande importance de mettre en valeur que ces cigarettes ne sont pas des médicaments anti tabac.

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