Interview avec le Professeur Polosa sur la cigarette électronique

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cigarette électronique ricardo polosa
Interview de Riccardo Polosa sur la cigarette électronique
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Interview de Riccardo Polosa sur la cigarette électronique

Le Professeur Riccardo Polosa, (DM Doctorat), est le directeur de l’institut pour la médecine interne et l’immunologie clinique de l’université de Catane en Italie. Il est également responsable du centre universitaire pour la recherche sur le tabac (CPCT – université de Catane) et  professeur de médecine honoraire à l’université de Southampton (Royaume unis). Il est l’auteur de plus de 200 articles dans des revues spécialisées et de livres couvrant principalement la médecine respiratoire, l’immunologie clinique , la cigarette électronique et le tabagisme.

Il est interviewé  par Paul Bergen.

 

Paul : Vos récentes recherches, présentant les cigarettes électroniques comme une aide à la réduction du tabagisme chronique ont recueilli une certaine audience. Avant même que nous ne discutions des implications de ces recherches, j’aurais quelques questions à vous poser à propos de l’étude elle-même. Vous aviez donc pour cette étude 40 participants qui ont été caractérisés comme « peu enclins à arrêter la cigarette ».  Ont-ils été invités à essayer d’arrêter la cigarette ou ont-ils seulement été exposés à la cigarette électronique en la présentant comme une simple source additionnelle de nicotine  ?

Professeur Polosa: Les quarante volontaires de notre étude ont été recrutés par le biais d’une publicité dans un journal local. Dans l’annonce, l’étude était présentée comme l’occasion d’essayer un nouveau substitut nicotinique, la cigarette électronique, et de d’étudier son éventuel impact sur les habitudes de consommation du tabac. Ainsi les volontaires ont participé à cette étude avec l’intention d’essayer quelque chose de nouveau, mais pas particulièrement pour se sevrer de la cigarette. En fait, bien qu’à chaque étape de l’étude il ait été offert aux participants une assistance libre pour les aider à arrêter, aucun d’entre eux ne s’est enregistré à l’origine à notre centre avec l’obligation de se sevrer.

Paul : Un élément de confusion potentiel que j’entrevois est qu’on a constaté que pour certains (évidemment juste pour quelques uns) faire simplement partie d’un programme sur le du tabagisme (quel qu’il soit) leur fera réévaluer leur comportement et réduire leur tabagisme ? Le « enclin à arrêter » était-il une condition pour contrebalancer cet effet ?

Professeur Polosa : Il est bien connu qu’en questionnant simplement les gens sur leurs habitudes de consommation de tabac nous les influençons sur leur façon de penser et attisons leur envie d’abandonner (ou réveillons des envies antérieures). Et donc, au final, nous augmentons la probabilité qu’ils abandonnent effectivement. De toute façon, rien que de faire partie de notre étude peux les inciter à réévaluer leur comportement et les inciter à réduire leur consommation.

C’est pourquoi, en sélectionnant des fumeurs « peu enclins à stopper » nous espérions contrebalancer cet effet. En outre, ce type de fumeurs représente une cible bien plus appropriée dans le cadre d’une perspective de santé publique et de la cigarette électronique sur la réduction du danger du tabac..

Paul : Pouvez-vous décrire en quoi consistent les sessions de cette étude ?

Professeur Polosa : Des participants éligibles (fumeurs en bonne santé, âgés de 18 à 60 ans, fumant 15 cigarettes par jour depuis au moins les 10 dernières années et n’essayant pas actuellement d’arrêter de fumer ou ne souhaitant pas particulièrement le faire dans les 30 prochains jours) ont été invités à notre clinique.
Pendant la première séance nous leur avons soumis un exposé détaillé de l’histoire du tabac et un cours de base en démographie. De plus, nous avons mesuré sur chacun d’eux les niveaux d’oxyde de carbone pour  chaque souffle exhalé.
Puis nous avons leur avons offert un kit de cigarette électronique (Catégorie ; Arbi Group Srl, Milan, Italie) comprenant chacun : deux batteries rechargeables, un chargeur et deux atomiseurs. Puis nous leur avons appris comment charger, activer et utiliser ces cigarettes.
Nous avons également fourni à chacuns d’eux une provision de cartouches de nicotine de 7,4 mg (cartouches « originales » ; Arbi Group Srl, Milan, l’Italie) pour toute la durée de l’étude.
Les participants ont ensuite été convié à les utiliser à leur gré et à assister à quatre visites de suivi en semaine 4, semaine 8, semaine12 et semaine 24. À chacune de ces visites nous avons enregistré leurs niveaux exhalés d’oxyde de carbone, et collecté leurs diverses observations et remarques.

Paul : Je soupçonne également que par ce choix de personnes « peu enclines à arrêter » vous augmentiez la qualité des témoignages sur leurs comportements et réactions de fumeurs dépendants. Et, bien qu’ils soient d’excellents sujets d’expérience pour comprendre à quel point cette alternative pouvait fonctionner dans de trés mauvaises conditions, je peux imaginer que ce groupe pouvait inclure quelques personnes irréductibles déterminées pour ne pas réussir. Avez-vous eu quelques sujets de cette sorte ?

Professeur Polosa : C’est possible. A plusieurs reprises, dans le cadre de nos auditions de suivi, deux personnes de cette étude ont décrit des événements défavorables extrêmement sérieux prétendant avoir été admis dans un hôpital local en raison de présence d’eau dans le poumon suite à l’utilisation régulière de ces cigarettes électroniques. Ces deux personnes se servaient régulièrement de cet argument pour tenter de dissuader les autres participants d’achever notre étude.

Devant la gravité de leurs accusations, nous avons dû vérifier leur histoire et nous nous sommes alors rendu compte qu’ils l’avaient  inventé de toutes pièces. Nous ignorons encore les motivations exactes qui les ont poussés à se conduire ainsi. Mais, face à se mensonge flagrant, nous n’avons pas pu poursuivre l’étude avec ces deux individus.

Paul : Votre étude semble démontrer que même des personnes qui ne songeaient pas à cesser de fumer pouvaient finalement s’adapter et changer pour des cigarettes électroniques, et de ce fait réduire le risque lié à leur consommation sans être même particulièrement motivées par cela ? Puisqu’ils étaient à l’origine si peu disposés à arrêter, pourquoi pensez-vous que ceux qui ont commuté ou qui ont stoppé réellement ont finalement agi ainsi ?

Professeur Polosa : Pour quelques participants, la satisfaction trouvée dans l’utilisation de la cigarette électronique était suffisante pour compenser le besoin de leur propre marque de cigarettes. Cette simple satisfaction permet d’expliquer le changement de comportement des 9 participants (22,5%) qui ne fumaient plus à la fin de la semaine 24.
Le remplacement du rituel des gestes liés à la consommation de tabac, l’occasion de réduire une mauvaise odeur chronique, les économies réalisées en cessant d’acheter chaque jour des cigarettes classiques et la perception d’un sentiment de bien être général amélioré étaient également responsables de leur permutation, voire de leur abandon.
En termes d’exposition au tabac, l’abandon est équivalent au  passage à la cigarette électronique.

Paul : Vous écrivez que les irritations de bouche et de gorge et la toux sèche, diminuent au fil des mois. Voulez-vous dire que les effets relatifs au tabagisme diminuent ou que ce sont les effets relatifs au « vaping » ?

Professeur Polosa : Des remarques concernant l’irritation de la bouche et de la gorge et une toux sèche étaient généralement rapporté dans les premières semaines de l’utilisation de la cigarette électronique, mais que ces phénomènes diminuaient avec le temps. Certains de ces effets pourraient avoir été provoqués par l’effet sensorimoteur de la nicotine ou par l’effet irritant spécifique du propylène glycol présent dans la cartouche. Il est également possible que la réduction de la consommation de tabac provoque également l’apparition de ces effets.

Paul : C’est une petite étude et vous la décrivez en tant qu’expérience pilote. Vous êtes-vous déjà engagé dans un suivi à plus long terme?

Professeur Polosa : Oui, nous sommes sur le point de rassembler les résultats du sixième mois d’un test clinique de plus grande envergure avec près de trois cents volontaires (de fumeurs « peu enclins à arrêter « ) regroupant trois groupes d’études (hauts taux, bas taux et sans aucune nicotine).

Paul : Les résultats sont tout à fait positifs et conformes à ce qui semble se produire dans le monde réel. Presque tous les anciens fumeurs mais également beaucoup de vapoteurs rapportent qu’ils n’avaient jamais tenté d’arrêter avant d’avoir essayé les cigarettes électroniques. Avez vous des remarques par rapport à cela ?

Professeur Polosa : Pour les fumeurs les deux seules solutions possibles de se sevrer du tabac étaient particulièrement désagréables : arrêtez ou mourez. Désormais, il y existe un troisième choix pour des fumeurs : le passage aux cigarettes électroniques. Leur utilisation permet aux fumeurs d’obtenir de la nicotine par une source beaucoup plus sûre qu’une cigarette allumée et de maintenir les gestes liés au tabagisme. Elle leur permet de prendre confiance et leur apporte une modification importante de leur mode de vie : stopper.

Paul : Je sais que les cigarettes électroniques sont légalisées en Italie (corrigez-moi si j’ai tort). Quel est à votre avis le nombre de personnes les utilisant aujourd’hui ? Voyez-vous beaucoup de vendeurs ? Voyez-vous régulièrement des personnes qui les utilisent et quelle est la réaction générale du public à leur égard ?

Professeur Polosa : En Italie, les cigarettes électroniques de la marque « Categoria » (y compris celles contenant de la nicotine) sont les seules approuvées par l’institut italien de la santé. Cependant, il n’existe actuellement, ni en Italie, ni à un niveau plus global,  de législation précise à ce sujet, en particulier par rapport au liquide utilisé … Cette législation sera très certainement exigée à un moment donné pour garantir la sécurité des consommateurs. Et nous travaillons désormais dans ce sens.

En Italie, les fumeurs semblent les acheter pour se sevrer du tabac ou pour réduire leur consommation de cigarettes et pour soulager des symptômes du manque de tabac dus aux restrictions du tabagisme sur les lieux de travail. En outre, l’effet de « nouveauté » de ce produit doit être pris en considération, avec beaucoup de fumeurs qui désirent montrer leur nouvel instrument à d’autres fumeurs et au public. La réaction générale aux cigarettes électroniques est quelque peu négative car elles sont perçues par le public (et par certains décideurs politiques) comme des cigarettes de substitution. De meilleures informations à leur sujet seront nécessaires pour faciliter leur l’adoption auprès du grand public.

Paul : Cela veut-il dire que les cigarettes électroniques de la marque « Categoria » disposent  d’un monopole ou que se sont les seules approuvées dans la catégorie ?

Professeur Polosa : Tous les fournisseurs de cigarettes électroniques sont autorisés de vendre leur marchandise en Italie mais seule celles de marque « Categoria » disposent d’une approbation officielle. Cette approbation a été obtenu après des essais de produits étendus.

Paul : Vous avez travaillé dans le secteur de la dépendance à la nicotine pendant une longue période. Est-ce que cela vous a incité à étudier  les cigarettes électroniques ?

Professeur Polosa : Depuis de nombreuses années plusieurs experts en matière de contrôle du tabac et de la dépendance à la nicotine avaient espéré la création d’un instrument qui puisse délivrer la nicotine d’une façon plus sûre et qui permette de remplacer le besoin comportemental / moto-sensoriel de la cigarette de tabac. La cigarette électronique a le potentiel d’être un tel instrument, parce qu’elle permet de donner aux fumeurs ce qu’ils veulent grâce à l’effet combiné du mouvement de la main à la bouche et de la délivrance de la nicotine. Ainsi, elle est beaucoup moins dangereuse qu’une cigarette de tabac. Ce travail dans le domaine de la dépendance à la nicotine que je réalise depuis de nombreuses années m’a convaincu que, comme professionnels de la santé, nous devrions également prendre soin des fumeurs qui sont peu disposés à arrêter la cigarette classique ou incapable de le faire. Et dans cet objectif, la cigarette électronique est une occasion à ne pas négliger.

Il est donc urgent et très important de mieux comprendre son potentiel dans le rôle qu’elle prend dans la vie d’un fumeur. C’est ce qui nous a incité à instaurer un processus d’étude de la cigarette électronique.

Paul : Voyez-vous ces cigarettes électroniques comme la meilleure réponse actuelle à la dépendance à la nicotine ou juste comme une simple solution parmi d’autres alternatives ?

Professeur Polosa : Je pense que la cigarette électronique est une excellente solution pour réduire l’utilisation des cigarettes traditionnelles et de leurs risques associés. Il existe bien entendu d’autres options très valables pour aborder la dépendance à la nicotine, mais c’est toujours un choix de présentation de la nicotine à son organisme qui est très personnel.
Individuellement, chaque fumeur doit trouver la meilleure manière de réduire ou d’éliminer complètement sa propre dépendance au tabac.
Théoriquement, du moins pour les cultures occidentales, vapoter  est une option bien meilleure que fumer. Et cela pourrait sauver des millions des vies.

Paul : Avez vous des remarques supplémentaires sur les cigarettes électroniques, sur le fait de fumer ou à propos de la nicotine ?

Professeur Polosa : Oui, toutes les améliorations concernant leurs normes de fabrication et les études à propos de leurs facilités d’utilisation stimuleront certainement une adoption plus large de la cigarette électronique. Et grâce à elle nous parviendrons certainement à une  réduction efficace du tabagisme.

 

4 Commentaires

  1. […] de chercheurs italiens intéressés par la cigarette électronique, dirigé par le professeur Polosa, vient de publier le compte rendu de la première étude en double aveugle réalisée pour évaluer […]

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